Les chevaux Nokota descendent des dernières populations de chevaux libres du Dakota du Nord. Pendant au moins un siècle, ils ont vécu en liberté dans les Badlands qui entourent la Little Missouri, là où allait être créé le Parc National Theodore Roosevelt en 1950.

Lorsque le Parc a été clos, cela a accidentellement enfermé à l’intérieur un certain nombre de chevaux qui vivaient là. Malheureusement, ces chevaux n’ont pas profité d’une protection fédérale, et les autorités du Parc ont cherché par tous les moyens à les éradiquer.

Depuis 1980, deux frères, Frank et Leo Kuntz ont commencé à acheter aux autorités du Parc les chevaux capturés à l’intérieur afin d’en assurer la préservation dans leur ranch familial.

Le type du cheval Nokota

Le cheval Nokota est issu des chevaux capturés dans le Parc National Theodore Roosevelt, où il a vécu en liberté une centaine d’années, après que les éleveurs de chevaux qui travaillaient dans la région aient arrêté leurs activités. L’origine commune des chevaux, et la rude sélection naturelle lors de leur vie en liberté a permis à la race de se fixer, en présentant un ensemble de caractéristiques communes, mais on retrouve également une certaine variabilité dans le type, certains chevaux (le type « Ranch ») ayant maintenu l’apport des chevaux lourds apportés par les ranchers, quand d’autres sont restés plus proches du poney indien qui a constitué la base de ces élevages (le type « Traditionnel »). Enfin beaucoup se retrouvent dans un type intermédiaire.

Le corps du Nokota s’inscrit dans un carré parfait, la queue est basse, la croupe est courte et inclinée, le poitrail est étroit, l’épaule puissante, équilibrant l’arrière main. Le cheval a beaucoup d’os, des membres solides, l’encolure est puissante, souvent arrondie, le chanfrein droit, et il a un crin très épais et long.

Les chevaux des plaines

Au début du XIXème siècle, les plaines du Dakota sont au centre d’importants échanges entre les populations autochtones qui vivent le long de Missouri, comme les Mandans, Hidatsas ou Arikaras et les trappeurs anglais ou français venus du Canada, puis ultérieurement avec les marchands anglais venus de l’est.

Le cheval fait alors partie des biens les plus recherchés. Les Shoshones, les Pawnees ou les Arikaras, de par leurs liens avec la côte sud ouest colonisée par les espagnols, favorisent l’arrivée de chevaux d’ascendance ibérique. Les peuples des plaines du Nord, comme les Crow ou les Lakota, constituent d’immenses troupeaux, chevaux de guerre, de transport, et de chasse au bison.

Edward S. Curtis, Chefs Sioux à cheval, 1905
Charles M. Russell, Dakota Chief (1897)

Les premiers ranchers, 1880-1920

Marquis de Morès

L’armée américaine met à la même époque en vente les poneys indiens qui ont été confisqués aux hommes de Sitting Bull lors de sa reddition en 1881 à Fort Buford.

Les dessins de la main même de Sitting Bull le montre sur un cheval à la face blanche et aux longues balzanes, ou sur un cheval bleu rouan, robes typiques des Nokota actuels. Ses dessins, comme ses propres descriptions, indiquent que ses montures avaient plus de taille et étaient plus massifs que les Spanish Mustangs originaire du sud ouest qui étaient jusqu’alors considérés comme le poney indien traditionnel.

Séduit par l’allure et la vigueur de ces chevaux, de Morès s’en porte acquéreur afin de servir de monture à ses cowboys.
Il importe également à grand frais des chevaux de l’est, afin d’apporter plus de force et de taille à ses chevaux. Il fait venir ainsi trois étalons, un Clysedale, un Percheron et un Pur Sang du Kentucky, tous de grande valeur.

Ruiné par un hiver effroyable qui voit périr toutes ses vaches, le Marquis de Morès quitte le Dakota en 1886.

C’est un autre rancher, A.C. Huidekoper, qui va suivre ses traces et développer l’élevage des chevaux. Il va produire jusqu’à mille chevaux par an, utilisés principalement par les cowboys pendant l’âge d’or de l’industrie du bétail.

Comme le Marquis de Morès, Huidekoper importe à grand frais de France des percherons pour apporter de la taille aux poneys indiens qui sont la souche de son élevage.
De Morès comme Huidekoper élevent leurs chevaux en open range, et les roundups permettent de regrouper régulièrement les chevaux à vendre.

Il appelle ses chevaux « American Horses », et les vend comme chevaux de selle, mais aussi comme poneys de Polo. Les élites de Chicago se passionnent pour ce sport et sont prêts à acheter très cher un bon poney.

Theodore Roosevelt, le futur président des Etats-Unis, a vécu entre 1883 et 1886 dans les Badlands de la Little Missouri, il écrit :

« In a great many–indeed, in most–localities there are wild horses to be found, which, although invariably of domestic descent, being either themselves runaways from some Indian or ranch outfit, or else claiming such as their sires and dams, are yet quite as wild as the antelope on whose range they have intruded. »
(Dans un grand nombre de localités, et même dans la plupart, on trouve des chevaux sauvages qui, bien qu’invariablement de descendance domestique, soit étant eux-mêmes des fuyards d’un groupe indien ou d’un ranch, soit l’étant par leurs pères et leurs mères, sont pourtant tout aussi sauvages que l’antilope dans l’aire de répartition de laquelle ils se sont introduits.)

Lorsque les opérations s’arrêtent dans les années 1920, les chevaux survivent dans les rudes paysages des Badlands, cachés au fond des canyons. Ils échappent ainsi à l’extinction des mustangs dans les plaines du Nord pendant la Grande Dépression, où ils étaient abattus pour leur viande.

En liberté dans les Badlands, 1920-1980

Lorsque l’immense Parc National Theodore Roosevelt est créé et clôturé à la fin des années 1940, ces chevaux se retrouvent pris à l’intérieur. Entre 1950 et 1970, les autorités du Parc tentent d’en retirer les chevaux. Ils obtiennent également que les chevaux du Parc échappent à la protection fédérale accordée aux mustangs dans les années 1959 et 1971. L’extraordinaire capacité de survie de ces chevaux leur permettent de survivre à toutes les tentatives pour les extraire du Parc.

Enfin, dans les années 1970, l’opposition publique à cette politique et le sentiment grandissant qu’il faut préserver cet héritage historique des années d’élevage en open range, finissent par convaincre le parc de laisser subsister une petite troupe de chevaux, et des round-up périodiques et la vente des chevaux capturés sont organisés pour contenir le nombre de cette population.

Malheureusement, dans les années 1980, les administrateurs du Parc décident d’introduire des étalons étrangers au Parc (Quarter horse, arabes, mustangs BLM, bucking horses). Les étalons originaux du Parc sont abattus, et la plupart des chevaux sont capturés et vendus à cette époque.


Lorsque le Dr Castle Mc Laughlin, anthropologue à Harvard, est mandatée pour étudier l’histoire du Parc en 1986, elle découvre le lien entre les chevaux du parc et les chevaux de Sitting Bull.

Elle rencontre Frank et Leo Kuntz, deux frères qui achètent alors des chevaux capturés dans le Parc afin de les croiser avec les Pur Sang et les Quarter Horse qu’il élèvent dans leur ranch. Ils espèrent alors obtenir des chevaux plus robustes pour les utiliser dans des courses de cross country alors très populaires, mais où leurs chevaux s’avéraient trop fragiles.

Capture de Nacona, étalon dominant du Parc, 1986 (Photo Castle McLaughin)

Le développement du Nokota, de 1980 jusqu’à aujourd’hui

Lorsque les frères Kuntz prennent conscience de l’importance historique de ces chevaux, Ils décident d’acheter aux enchères le maximum de chevaux sortis du Parc afin de leur offrir un sanctuaire dans leur ranch familial. Ils les nomment Nokota, contraction de North Dakota.

Leo Kuntz et Bad Toe à Medora, son premier Nokota, 1986 (Photo Castle McLaughin)


Le Conservatoire lève des fonds, et un studbook répertorie l’ensemble des chevaux extraits du Parc et leurs descendants. Il y a environ 1500 Nokota aux USA, répartis entre les élevages de Frank Kuntz, du Nokota Horse Conservancy, et différents propriétaires, cavaliers ou éleveurs.

En France, notre élevage importe ses 4 premiers chevaux en 2007, et développe la race. Par la suite, d’autres éleveurs viennent se joindre au projet. Aujourd’hui, il y a environ 70 Nokota en France, une trentaine au Danemark et autant en Suède.

Les origines du Nokota

Proximité phylogénique du Nokota (TRNP)



Ces découvertes récentes sont passionnantes puisqu’elles viennent valider l’intuition des frères Kuntz, la cosmologie Lakota ou les recherches archéologiques récentes, puisque des ossements de chevaux ont été trouvés dans le Nord des Etats Unis, datés d’avant la colonisation européenne.

Elles mettent en avant l’importance d’un programme de préservation, puisque le Nokota est le dernier cheval ayant conservé dans sa génétique l’influence de ces chevaux natifs, monture des peuples des plaines du Nord. Ils sont donc tout à fait précieux.

Liens et références bibliographiques